Déchets - Industries

L’avis de Picardie Nature sur le Plan Départemental des Déchets Ménagers et Assimilés

Publié le 1er septembre 2006


L’INFORMATION PREALABLE ET PERMANENTE

Le succès d’un plan département dont l’ambition est à la hauteur de l’enjeu didactique et environnemental suppose impérativement une information préalable des élus, des fonctionnaires communautaires et/ou municipaux plus spécifiquement concernés par la question (y compris les services communication, s’il y a lieu), des associations de défense de l’environnement et/ou des consommateurs, et plus généralement de toute la population. Or il n’est pas évident que ce soit déjà suffisamment le cas dans notre département. Et en ce sens, on peut regretter que l’ADEME-Picardie, à la différence d’autres délégations régionales (Poitou-Charentes, Aquitaine), n’ait pas encore créé un site Internet suffisamment étoffé, avec en particulier un nombre conséquent de pages sur l’éco-gestion des résidus municipaux. A défaut, et même si ça n’était pas le cas, le Conseil Général pourrait utilement développer, plus largement qu’actuellement sur son site, ce type d’informations, et donc mentionner cette volonté explicitement de le faire désormais sur le plan. Picardie-Nature regrette que dans la rubrique « Environnement » du site du CG 80 soit annoncé une sous rubrique « bilan du plan départemental » qui ne mène à rien et que pour un visiteur du site non informé, il lui faille deviner qu’il va trouver sous la rubrique « publications » l’inventaire départemental de la gestion des déchets ménagers et assimilés année 2004 ; alors que depuis mars 2006, cette formulation est à corriger.

Le plan définitif devrait mentionner l’engagement du Conseil Général et des diverses collectivités de publier régulièrement dans les bulletins, ce que font déjà certaines sur support papier, les résultats des efforts des habitants de la Somme, car c’est bien connu, l’encouragement favorise la poursuite et la croissance des bons résultats. Et c’est évidemment à faire quand la collectivité dispose d’un site Internet. On peut imaginer également une diffusion d’informations pratiques via le Courrier Picard.

Peut-être serait-il même intéressant d’organiser une journée départementale d’échanges en présence d’experts qui réagiraient à la présentation d’expériences locales ou de bilans globaux par thème.

L’ENCOURAGEMENT A L’ECO-OFFRE ET L’ECO-ACHAT

Celui-ci doit être plus ambitieux et explicite pour les citoyens. L’éco-prévention est généralement la parente pauvre des plans départementaux. Les 5 actions présentées page 62 nécessitent, pour être concrétisables, une explicitation des stratégies qui seront mises en œuvre.

Par ailleurs pour essayer d’atteindre au plus vite le but et pour que soit offert à nos concitoyens soucieux de se comporter éco-responsablement le choix d’éco-acheter dans les commerces de toutes tailles, il serait utile de mettre en place une commission départementale de réflexion où siégeraient des représentants du comité de suivi, des producteurs et conditionneurs régionaux, des acteurs du monde des publicitaires et donneurs d’ordre des publicités adressées ainsi que des associations de consommateurs.

Il est trop facile et peu responsable de prétendre, comme cela se fait encore trop souvent en France, que cette stratégie relève uniquement des instances nationales ; non seulement parce que, à tort ou à raison, certains Conseillers Généraux sont aussi parlementaires, mais encore parce que tout les Conseillers Généraux connaissent des parlementaires nationaux, au moins ceux de leur parti politique.


UNE ADMINISTRATION EXEMPLAIRE

Il est heureux et normal à la fois de souligner que l’administration doit montrer l’exemple, mais encore faut-il explicitement mettre sous ce mot, toutes les activités de service non marchand, sans oublier évidemment l’administration préfectorale centrale, ainsi que toutes les délégations régionales ministérielles dans le cas de notre département. Beaucoup de structures, potentiellement consommatrices de papiers (collèges, lycées, facultés…) ne disposent pas de conteneurs séparatifs.
On aimerait ainsi voir la mise en place d’une charte ou d’un agenda 21 dans les administrations, qui viserait à mieux consommer, mieux trier, moins gaspiller.


DE LA SENSIBILISATION ET DE LA PEDAGOGIE

Nous proposons de mettre l’accent sur l’information, la communication et la pédagogie sans lesquelles aucune politique ne peut être efficacement suivie.
Renforcer dès l’école, la conscience écologique, par le bais d’association d’éducation à l’environnement. Il faudrait dès lors mettre l’accent sur les 2 fondamentaux : apprendre à acheter convenablement, en favorisant les produits présentant le moins d’emballage et apprendre le tri des déchets comme geste naturel.
Par ailleurs renforcer le rôle des « ambassadeurs du tri » qui doivent aller au devant des citoyens et expliquer encore les principes et l’intérêt du tri.


LE JET APLATI DES RECYCLABLES MATIERE

Pour ce qui est des recyclables matières, l’encouragement à jeter les contenants en les aplatissant, ne peut qu’avoir des impacts utiles sur les tournées de collecte et sur le porte-feuille du contribuable payant le service ad hoc. A fortiori il en sera également de même pour les collectivités qui opteront pour le paiement au nombre de présentations sur le trottoir des contenants de recyclables et de non-recyclés.


LA GESTION DES FERMENTESCIBLES

Picardie-Nature ne peut que se réjouir de constater que l’avant-projet de plan encourage le compostage individuel ou de quartier ou de commune qui évite de « refiler le bébé » à la charge de la communauté de communes et du département et réduit le coût de transport de matières réutilisables sur place.
A défaut de la création en France ou dans la Somme d’une école ad hoc, il serait bon d’envoyer quelques « ambassadeurs du tri » ou autres bénéficier de la formation assurée depuis plus de dix ans par l’école de composteur belge de Londerzeele (à proximité de l’autoroute Bruxelle-Anvers).

D’autre part, encourager la création d’aire de compostage de quartier suivi par un employé spécialisé et une grande classe de l’école primaire la plus proche serait certainement à plusieurs points de vue une excellente chose. On peut aussi envisager l’achat et l’utilisation par la collectivité de grands composteurs rotatifs (cf photographie) et leur mise à disposition d’une association de jardins ouvriers ou d’une association de quartier dynamique toujours en essayant d’associer peu ou prou quelques classes primaires, voire celles du secondaire, à ce mode de gestion.

On pourrait alors inciter les résidents qui ne ne pourraient pas faire eux même leur compost à s’équiper de poubelle destinée uniquement à recevoir la part fermentescible que l’on pourrait appelé « la compostière » et à venir sur l’aire de compostage y déposer son contenu sans multiplier les tris.

Il faut se réjouir que le Conseil Général ait opté pour le non recours à l’incinération. Il s’agit en effet d’un outil coûteux qui ne sera pas forcément toujours justifié d’ici une quinzaine d’années (alors que l’amortissement est habituellement de 20 ans).

LES DECHETERIES ET REEMPLOIRIES

On peut regretter que la mise à disposition de déchèteries, y compris à proximité de certains centre commerciaux pour en accroître la fréquentation et la rentabilité ne soit pas encore à la hauteur des enjeux environnementaux.

A côté de cela, il ne faut pas se voiler la face : le bilan financier des déchèteries, au dépens donc du contribuable, souffre de deux chancres connus que sont les vols durant les heures de fermeture nocturne et dominicale, d’une part, et la possibilité, d’autre part, pour les gardiens d’améliorer leur fin de mois par le « trafic » de certains métaux et autres abandons. Il importerait donc que le PDDMA précise quelle stratégie sera mise en œuvre pour mettre fin à ces « fuites » face auxquelles les élus pourraient parfois avoir tendance à fermer les yeux quand il ne s’agit que des gardiens estimant que cela permet de les déclarer plus ou moins mal venus quand ils réclament une augmentation de salaire ou d’autres avantages.

En ce sens, il est regrettable d’avoir écrit (dans la Charte, page 154) que « le rôle du gardien est ….. d’éviter les fouilles dans les bennes. » En lui donnant un certain pouvoir de police, ce doit être une des obligations professionnelles du gardien d’interdire efficacement les fouilles des bennes ; ne serait-ce que parce que ça réduit les recettes rapportées par certains contenus de benne.

La réalité évoquée ci-dessus est encore plus néfaste si, comme il est très souhaitable, la communauté de commune assume pleinement ses responsabilités et ouvre une réemploirie (ou recyclerie ou ressourcerie, termes déposés) mitoyenne de la déchèterie principale. Un outil qui n’est pas seulement utile pour l’environnent et pour les personnes aux revenus modestes (contrairement à ce qui est écrit page 41), mais aussi pour les gens au budget banal ou « moyen » qui ont compris l’intérêt écologique et économique d’acheter recyclé plutôt que neuf quand l’opportunité se présente.

A défaut une complémentarité déchèterie – recyclerie devrait être systématiquement instaurée, les premières triant sélectivement les matériels revendables par les secondes. A titre d’exemple, on peut acheter dans une recyclerie du département tout ou partie d’un vélo et observer dans une benne d’une des déchetteries du même département les mêmes produits destinés à être détruits.

Picardie-Nature déplore que plus de lignes ne soient pas consacrées dans l’avant projet de plan à la création de « réemploiries », d’autant plus que le Conseil Général a financé une étude approfondie sur la question dès l’an 2000 et qu’il n’existe encore dans la Somme à cette date qu’une seule « recyclerie » qui n’est que la cinquième roue du chariot de l’association de réinsertion « Les Astelles », et une autre à Condé-Folie au statut « particulier ». En espérant que le réseau annoncé sera rapidement créé.

LES DECHETS MENAGERS SPECIAUX

Même si les déchets ménagers spéciaux que des concitoyens négligents ou ayant d’autres soucis prioritaires mettraient dans la poubelle des non-recyclables ne finiront pas, dans la Somme, dans un four d’incinération, leur présence en dépôt contrôlé (ou « décharge ») peut néanmoins avoir des effets regrettables sur l’environnement. Il serait donc bon que le Conseil Général encourage les collectivités à récupérer et faire récupérer les piles dans les lieux d’accueil du public. Cela montrera leur intérêt pour la chose et accroîtra l’efficacité de ce type de collecte, même si les hypermarchés et autres supermarchés et superettes assurent déjà avec plus ou moins d’efficacité cette collecte.

Pour ce qui est des DEEE, il faut espérer que l’application de la nouvelle directive européenne ne se fera pas au dépens de structures tel qu’Envie ou telle qu’une réemploirie, ce qui suppose peut-être de mentionner explicitement la volonté de conclure un accord avec les professionnels concernés.

LES STRUCTURES DE SUIVI

Il paraît largement souhaitable que le compte-rendu détaillé de la réunion annuelle de la commission de suivi du plan soit mis sur le site Internet du Conseil Général, ce à quoi le texte définitif du plan révisé pourrait s’engager.

Le décret CLIS de 1992 présente, aux yeux de Picardie-Nature et de nombreuses associations de défense de l’environnement des lacunes regrettables. Pour y palier il serait bien que le plan mentionne expressément le souhait que les arrêtés préfectoraux de CLIS obligent spécifiquement à une réunion semestrielle (et non pas éventuellement qu’annuelle), afin de faciliter le suivi par toutes les parties prenantes, ce qui ne peut qu’ « encourager » les exploitants et les collectivités délégatrices. Dans le même ordre d’idée, il serait peut-être bon de créer une commission départementale de suivi des déchèteries CLIS (et éventuellement des réemploiries) afin d’encourager les efforts d’éco-gestion aussi réaliste et financièrement supportable par le contribuable qu’optimale.

LES DEPOTS CONTROLES (ou centre de stockage)

Il est en soi heureux que notre département n’ait pas fait le choix du traitement thermique ne serait-ce que pour des questions de ménagement souhaitable de la santé de nos concitoyens, déjà bien agressée par ailleurs par des pollutions multiples. Mais il s’avère que les techniques utilisées dans le domaine du dépôt contrôlé présentent encore des failles qui peuvent mettre en péril les nappes phréatiques. C’est pourquoi le CEMAGREF d’Antony, entres autres, effectue des recherches dans ce domaine.

Il serait donc souhaitable que, suite à un engagement explicite dans le plan, soit exercé un contrôle par les parties prenantes (élus et associatifs de la CLIS en particulier) de la qualité de l’imperméabilisation active des fonds de casier de centre de stockage. Le plan devrait exiger un dispositif renforcé, pour tout futur casier de tous les sites comprenant à la fois de la bentonite (outil de renforcement de la protection- imperméabilisation passive) et la pose de deux géomembranes pour mieux assurer la protection- imperméabilisation active et pouvoir réagir à des fuites dont les possibilités sont plus fréquentes que le discours officiel (en particulier celui des professionnels) le laisse entendre. Le groupe SECHE utilise cette technique en France.

LES QUESTIONS DIVERSES

L’organisation en syndicat départemental mérite réflexion approfondie et analyse critique des bilans des Conseils Généraux ayant fait ce choix à première vue intéressant, après le Jura qui fut pionnier en la matière depuis plus de dix ans avec les encouragements spécifiques d’Eco-emballage dès sa création . S’il y a certains avantages incontestables à adopter cette stratégie, elle présente le gros inconvénient, de ne pas permettre de récompenser les collectivités et a fortiori les particuliers, qui favorisés ou non par des efforts antérieurs, continuent d’obtenir des réductions conséquentes des quantités non recyclés, et une augmentation relativement positive des quantités recyclées. Sur-consommer sur une planète aux ressources forcément limitées des emballages recyclables, entre autres, ou des équipements ménagers, n’étant pas forcément pertinent et louable.

En ce qui concerne l’enquête publique à propos de cette révision, Picardie-Nature souhaite qu’au moins un exemplaire du texte définitif soumis à l’enquête soit mis à disposition des éco-citoyens en mesure d’y participer dans les sous-préfectures mais également dans d’autres communes importantes comme Doullens, Albert, Roye, etc.. Sans oublier une publication sur le site Internet du Conseil Général. Ces propositions sont avancées autant dans un souci d’information que de participation motivante et mobilisante d’un maximum de nos concitoyens sans laquelle une telle enquête n’est alors que presque purement formelle.

Dans le domaine de l’éco-prévention et de la collaboration aux efforts de recyclage peut-être faudrait-il impulser concrètement une action en direction de toutes celles et ceux (d’un autre département ou pas, de France et d’ailleurs) qui viennent, d’avril à octobre, sur des terrains de camping ou dans des résidences secondaires de notre département. Sachant que leur très intéressante présence sur le plan financier fausse sensiblement toutes les statistiques et quelques peu l’atteinte des objectifs qui pourraient parfois être plus ambitieux. Les différentes catégories de population s’avérant souvent dans leur ensemble plus coopératives qu’on ne le pense.


CONCLUSION

Consciente de l’enjeu pour l’environnement, des potentialités didactiques que représente pour chaque foyer de la Somme une attitude éco-responsable pour ce qui est de la gestion de ses déchets, Picardie-Nature est heureuse d’apporter sa modeste contribution à l’élaboration du projet de plan.

Quoiqu’il en soit, si notre association, comme pour se résumer, devait ne formuler que cinq vœux que retiendraient des lecteurs pressés, ce serait ceux-ci :

1/ Voir sérieusement améliorer l’information de toutes les parties prenantes et des consommateurs-jeteurs en particulier, grâce à l’usage d’Internet, y compris sur les sites des collectivités pluri-communales ; soit plus que ce qu’on trouve en cliquant sur le lien www.cg80.fr/environnement/dea80/publication/html/dechets.htm

2/ Voir intensifier, l’action exemplaire d’éco-évitement par le personnel de toutes les administrations très directement ou non concernées par le sujet ; avec évidemment résultat publié sur le site du Conseil Général.

3/ Voir entreprendre un dialogue entre les pouvoirs publics ainsi que toutes les parties prenantes départementales avec les conditionneurs et les distributeurs départementaux de produits de grande consommation, ainsi qu’avec les diffuseurs de publicités, sans rejeter la responsabilité de ce dialogue au seul plan national

4/ Voir le plan encourager explicitement les membres des CLIS à suivre de près la qualité de la protection-imperméabilisation passive et active des fonds de casiers des dépôts contrôlés (ou centre de stockage).

5/ Voir tenu systématiquement tous les semestres et pas seulement tous les ans, suite à un engagement explicite dans le plan, une réunion de CLIS de grande qualité et de durée suffisante avec publication du compte-rendu sur un site Internet départemental ou local conformément à la volonté affirmer de mettre en œuvre une « gestion moderne », la possibilité pour tout volontaire de bien s’informer étant, nul n’osera le nier, un élément-clé de cette gestion.

Que ces vœux minima totalement réalistes soient rapidement concrétisés ou pas, Picardie-Nature restera bien évidemment très attentive, avec ses adhérents, aux modalités d’application effectives des bonnes intentions, et donc des 35 actions ou plus de préférence qui seront finalement votées par les élus.


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