Eoliennes terrestres

Enquête publique sur projet éolien de la Vallée de l’Authie

Publié le 24 juin 2008

Amiens, le 22 mai 2008

Monsieur le Commissaire-enquêteur,

Nous avons pris connaissance du dossier présenté par la Société Française d’Eoliennes relatif au projet d’implantation de 8 éoliennes sur le territoire des communes de Villers sur Authie, Vercourt et Arry.

Nous nous sommes intéressés à l’étude d’impact et plus précisément au volet sur la faune volante. Bien que nous n’ayons pas d’a priori négatif sur le parc et aucune réticence au développement de l’éolien, nous souhaitons aborder quelques remarques mis en avant dans le rapport et estimons cette étude insuffisante sur plusieurs points.

Tout d’abord page 17 dans le chapitre sur l’avifaune et les impacts.
Le porteur du projet met en avant plusieurs mesures pour l’implantation des éoliennes susceptibles de limiter les impacts avec l’avifaune.
Mais, il ne fait pas apparaître les choix d’implantations par rapport aux axes de migrations ou de déplacements des espèces animales notamment la faune volante (oiseaux et Chauves souris), ce qui est un point important dans ce type de projet. Des choix parfois inadaptés d’implantation de certaines éoliennes peuvent gêner les déplacements de la faune volante et augmenter les risques de collisions. Le fait d’implanter des éoliennes en suivant les chemins pour limiter l’impact au sol sur des zones de culture peut s’avérer néfaste à la faune volante sauf pour les espèces nicheuses sur le site. Le bureau d’étude doit pouvoir concilier tous ces éléments pour proposer les meilleurs choix possibles.

Le bureau d’étude n’aborde pas l’aspect cumulatif du parc avec d’autres projets, éoliens ou non, réalisés ou à venir. Si un projet peut n’avoir qu’une influence limitée sur la faune sauvage, l’accumulation de projet peut avoir des conséquences plus importantes, notamment sur les possibilités de déplacement ou de migration de certaines espèces.
De plus, si un autre projet (parc éolien, ligne à haute tension...) devait se construire dans les environs de la vallée de l’Authie, il serait susceptible de modifier les comportements de certaines espèces animales (migration, chasse, site de reproduction...) et de les renvoyer vers le site du projet actuel, modifiant du même coup les enjeux. Le nombre de projet éolien prévu ou réalisé le long de l’autoroute nous incite à être particulièrement vigilant sur cet aspect.

Concernant le volet ornithologique

- le GOP cite, page 39 de nombreuses études ou travaux de suivi ornithologique sur certaines zones naturelles à proximité du site mais il ne donne pas les références sur ces études.
De même pour les études sur l’impact des éoliennes sur l’avifaune p92. et 94.

- une étude menée sur un cycle annuel complet permettra de suivre les phases d’hivernage, migration prénuptiale, nidification, migration post nuptiale. Les différentes prospections ont été réalisées sur une partie d’un cycle annuel. La période d’hivernage et la période prénuptiale n’ont pas été prises en compte (soit de novembre à avril). Cela est donc beaucoup trop insuffisant pour pouvoir caractériser assez précisément la faune volante surtout au vue des enjeux environnementaux à proximité immédiate du site.

- Le bureau d’étude ne précise pas non plus si les observations ont été réalisées à différentes périodes de la journées et dans des conditions climatiques différentes, afin de pouvoir observer l’activité de toutes les espèces d’oiseaux présentes sur le site.

En ce qui concerne l’étude des chiroptères (chauves-souris).
.
- Dans son rapport en annexe, le bureau d’étude Ecosystème signale que « l’étude des chauves souris tient plus de l’expérimentation que de la simple observation. Il est très difficile de pouvoir distinguer des espèces en vol comme nous savons le faire pour les oiseaux. ».
Quel est le sens de cette phrase, cela signifie t-il que l’on ne peut pas réaliser d’études sur les chauves souris ?

- La SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères) a élaboré depuis plusieurs années, un protocole pour la réalisation d’études sur les chauves souris dans le cadre des projets de parc éolien. Ce protocole est une référence nationale pour ce type d’étude. A ce protocole peut être ajouté le protocole « Eurobat » mis en place au niveau européen. Le protocole de quelques pages est disponible sur le site de la SFEPM (www.sfepm.org).

Ce protocole, recommande la réalisation d’un pré-diagnostic basé sur :
· une compilation des données existantes sur les espèces, les gîtes d’hibernation, de reproduction (recherche dans les bases de données, la bibliographie, interrogation des chiroptérologues locaux, etc.)
· une analyse cartographique des habitats et structures paysagères afin de déterminer les enjeux potentiels.
Pour pouvoir réaliser une synthèse exhaustive, il faut travailler sur 10 km autour du projet. Sans compter une synthèse sur les enjeux à 20 à 30km autour du projet pour tenir compte des capacités à parcourir de longues distances de certaines espèces lors des phases de migration ou des activités de chasse.
Ce pré-diagnostic doit servir de base de travail pour une étude de terrain, le diagnostic, s’étalant sur un cycle complet d’activité des chauves souris soit une année entière.
Cette phase de diagnostic se décompose de la façon suivante :
· Pendant la période hivernale, recensement de la population hibernante dans un rayon de 10 km autour du projet.
· Sorties nocturnes au détecteur à ultrason pour :
-la migration de printemps (avril)
-l’activité des espèces résidentes (juin juillet août)
-le transit automnal et la migration (suivant les régions de mi août à fin novembre).
Le nombre de sortie au détecteur dépend de l’ampleur du projet. Ici 6 sorties minimum auraient été nécessaires.

- Seules 4 espèces sont citées dans l’étude comme pouvant fréquenter le site prévu pour le parc éolien. L’application stricte du protocole aurait mis en évidence la présence d’un nombre bien plus important d’espèce dans la zone d’impact de ce projet éolien.
Citons le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus) dont une colonie de reproduction a été signalée dans le château d’Arry commune située à proximité immédiate du parc éolien. Cette espèce est inscrite à l’annexe II de la directive habitat pour sa rareté. Elle est par ailleurs décrite comme traversant régulièrement les grandes étendues agricoles pour passer d’un terrain de chasse à un autre, parcourant jusqu’à 25 kilomètres en une nuit.
Citons encore le vespertilion de Daubenton (Myotis daubentoni), le petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros) devenu rarissime dans le département de la somme au point de ne plus être signalé que dans la vallée d’Authie, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), le grand murin (Myotis myotis) ou encore la barbastelle d’Europe (Barbastella barbastella) ; espèces qui sont signalées dans la vallée d’Authie. Même si les chauves souris ne vivent pas dans les milieux ouverts, elles sont susceptibles de les utiliser lorsqu’elles se déplacent entre différents sites de chasse, ou lors de leurs migrations.

- L’aspect particulier des chauves-souris migratrice n’est pas étudié de façon détaillée dans l’étude d’impact sur les chiroptères, alors même que ces espèces sont particulièrement sensibles aux projets éoliens susceptibles de couper les routes de vol et d’entraîner des dégâts importants sur les populations.
Citons la noctule commune (Nyctalus noctula) , la noctule de Leisler (Nyctalus leislerii), la pipistrelle de nathusius (Pipistrellus nathusii) .

- Au vu de ces remarques, il apparaît clairement que la phase diagnostic n’a pas été suffisante. Elle est même inexistante sur plusieurs points. Le protocole d’étude appliqué n’est jamais détaillé, le nombre d’heure de terrain n’est pas précisé, les dates et les horaires des sorties d’écoutes sur le terrain ne sont pas indiquées. Le matériel utilisé pour réaliser les écoutes ultrasoniques n’est jamais présenté. Les enregistrements sonores ne sont pas fournis et il n’est donc pas possible d’en vérifier la teneur.
Les écoutes nocturnes avec enregistrement et analyses des ultrasons émis par les chauves-souris lors des déplacements des phases de chasse ou de la migration semblent donc ne pas du tout avoir été réalisées lors de cette étude d’impact.

- De plus, en combinant l’étude de la structure paysagère et les résultats des écoutes ultrasoniques, une analyse des axes de migrations possibles et avérés des chauves-souris sur le site aurait pu être réalisée et jointe au rapport d’étude d’impact permettant de réaliser une carte valable des déplacements des chauves souris. La carte fournie dans le rapport d’étude n’est donc pas valable.

Les mesures compensatoires.

- Dans cette étude, il est proposé en mesure compensatoire, la plantation de haie pour les oiseaux. Il faut faire attention à la manière dont sont implantées ces haies, car les chauves souris peuvent les utiliser pour chasser en les suivant. Elles peuvent donc les conduire vers les éoliennes et augmenter les risques de collision. Il serait bien que les différents bureaux d’étude qui interviennent fassent des propositions cohérentes et concertées favorable à l’ensemble de la faune et de la flore locale.

- La proposition de suivi des chauves souris et celle de grillager les zones d’aérations des éoliennes pour éviter l’entrée des animaux n’apparaissent pas dans le tableau récapitulatif des mesures compensatoires. Ce dernier étant souvent utilisé ou lu lors de prise de décision, il paraît important que toutes les mesures apparaissent.

- Pour compenser les destructions de chiroptères par les éoliennes, une mesure compensatoire consistant en la mise en protection d’un ou plusieurs sites d’hibernation proches ou moins proches du projet de parc éolien devrait être proposée ce qui ne l’est a aucun moment dans le rapport d’étude.
La mise en protection de colonie de reproduction de chiroptères pour favoriser l’augmentation des effectif et compenser les destructions qui seront occasionnées par les éoliennes est une autre mesure compensatoire qui n’est pas évoquée non plus.

Attendu les manques importants évoqués ci-dessus, particulièrement sur le volet chauve-souris,et les enjeux en terme de milieux naturels faune et flore présents aux alentours du projet, nous vous demandons, de rendre un avis négatif concernant ce projet éolien.

Demeurant à votre disposition, nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire-enquêteur, en l’assurance de nos salutations respectueuses.


Partager : http://l.picnat.fr/ODgxMjAw

Les plus récents

Les plus lus

Picardie Nature

Association régionale de protection de la Nature et de l'Environnement
membre de France Nature Environnement, agréée par les ministères de l'Écologie et de l'Éducation Nationale
Picardie Nature - 233 rue Eloi Morel - 80000 AMIENS - Tél. 03 62 72 22 50