Les noctules de la forêt d’Halatte

Une étude sur les gîtes arboricoles de Noctules menée en 2020 par Solène Baillet sur l’ensemble du massif des Trois Forêts dans le PNR Oise-Pays-de-France a permis de découvrir 5 arbres-gîtes (2 de Noctule commune et 3 de Noctule de Leisler), dont 1 au domaine de Chantilly et 4 en Forêt d’Halatte.

En 2023 Sylwia Ozdoba a poursuivi la recherche des gîtes en centrant le rayon d’action sur le secteur le plus propice au nord-est de la Forêt d’Halatte.

Les principaux objectifs de cette étude étaient :
● compléter les données du secteur visé et dans ses zones limitrophes,
● affiner la connaissance sur la taille et la répartition de la colonie existante,
● expliquer plus en détails l’utilisation de ce territoire par les Noctules,
● et à terme, partager cette connaissance avec le Parc Naturel Régional Oise Pays de France (PNR OPF) et l’Office National des Forêts (ONF) en vue d’une meilleure prise en compte des habitats des Noctules dans la gestion forestière.

Pour ce faire une première phase acoustique a été réalisée sur un maillage sur 21km² en forêt d’Halatte. 29 mailles ont ainsi été inventoriées par de la détection acoustique passive de la mi juin à la mi août.
Les analyses des enregistrements ont montré globalement une forte activité des deux espèces de Noctule sur le secteur étudié. Une activité intense de noctules à l’aube ou au crépuscule a permis de cibler les « meilleurs » secteurs pour la recherche d’arbres-gîtes de Noctules.

L’activité acoustique relevée sur certains détecteurs au cœur de la nuit a, en outre, apporté d’autres informations : ainsi, aucun gros pic d’activité au milieu de la nuit n’a été relevé pour la Noctule commune entre mi-juin et mi-juillet. Cette donnée est cohérente avec l’écologie de l’espèce qui gîte dans les arbres de lisières mais qui chasse dans des milieux plus ouverts. Une seule nuit (le 13 août) a montré une très forte activité de la Noctule commune (accompagnée de cris sociaux très complexes) ce qui peut correspondre à une activité de swarming au vue de la période.
Pour les Noctules de Leisler des activités intenses au cœur de la nuit indiquent des zones de chasse dans les vieilles futaies plutôt ouvertes.

Suite à cette 1ère phase acoustique, des recherches à l’aube se sont concentrées sur les secteurs les plus favorables pour localiser les arbres gîtes des noctules. 11 participant/es équipé/es de détecteurs actifs ont suivi les trajets de noctules sur chaque secteur favorable jusqu’à trouver l’arbre accueillant les Noctules. Cette méthode a permis de découvrir 11 gîtes arboricoles dont
 8 arbres pour la Noctule commune
 3 arbres pour la Noctule de Leisler

Dans un troisième temps, des comptages en sortie de gîte au crépuscule ont été réalisés pour évaluer les effectifs de noctules présentes dans les arbres gîtes découverts. Ces suivis débutent 15 minutes avant le coucher du soleil et s’arrête 15 minutes après le dernier individu sorti ou 1h après le coucher du soleil en l’absence d’individus sortis (Kronwitter, 1988).

Les arbres gîtes à Noctule de Leisler accueillaient ainsi 3 à 5 individus par arbre. 2 à 14 individus par arbre ont en revanche été dénombrés pour les Noctule commune.

Les gîtes arboricoles identifiés (pour les 2 espèces confondues) se trouvent dans une hêtraie ou hêtraie-chênaie à futaie régulière avec présence d’un sous-étage. Ils sont situés en lisières de forêt , en bordure de clairières ou de grandes allées forestières et se trouvent à proximité de points d’eau (moins de 2,5 km d’une mare ou de l’Oise). D’une manière générale, cette étude confirme la notion du rattachement des 2 espèces de Noctule aux écosystèmes vieillissants et aux milieux ouverts (Ruczynski/Bogdanowicz 2005 ; Spada 2008).

Les Noctules de Leisler ont toutes gîté dans les feuillus (hêtres) soit morts ou dépérissant en choisissant des cavités sénescentes présentes sur des branches mortes (trous de pic, écorces décollées, branches creuses). Notons que les arbres gîtes découverts en 2020 avaient des caractéristiques similaires (2 chênes morts, et 1 hêtre mort). Les arbres-gîtes découverts en 2023 sont distants en moyenne de 700 m les uns des autres et n’étaient occupés que par 3 à 5 individus. Ce phénomène laisse supposer qu’il s’agit d’une métapopulation vivant dans un même réseau d’arbres-gîtes.
Les Noctules communes ont été, quant à elles, présentes dans des cavités uniques : trous de pic à la base d’une branche ou dans des trous se formant à la place des anciennes branches tombées, cariés ou agrandis par le pic, ou encore dans une fente. L’emplacement de la cavité peut être située sur le tronc en dessous du houppier ou pour les arbres, dont le pourcentage de recouvrement du houppier est beaucoup plus important, les cavités sont situées sur une branche au niveau du feuillage ou au-dessus du houppier. Les arbres gîtes sont majoritairement des hêtres. Dans l’ensemble, on note une proportion élevée d’arbres vivants mais prêt de 30% sont en dépérissement plus ou moins avancé.

Exemples de gîtes fréquentés par les noctules en forêt d’Halatte ©Picardie Nature

Ce travail a été mené avec l’aide de l’ONF et les résultats ont été partagés avec les agents. Une action de marquage des arbres gîtes a été réalisée en octobre 2023 et des recommandations ont été proposées par Picardie Nature afin de mieux prendre en compte dans la gestion des milieux boisés non seulement ces deux espèces forestières, mais tout un cortège faunistique inféodé au même type d’habitat. Un travail de réflexion partagé entre l’ONF et Picardie Nature pour une prise en compte des enjeux noctules dans le plan d’aménagement forestier est également lancé dès cet automne 2023.

Marquage des arbres-gîtes découverts ©Picardie Nature

Nous remercions chaleureusement les agents de l’ONF et les bénévoles de Picardie Nature qui ont participé à l’étude et aux sessions de terrain.